Chercher du foncier alors qu’on a 2 millions de m² de bureaux vides ? C’est la situation paradoxale dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui en France. Alors que la crise du logement s’aggrave dans les métropoles françaises, des mètres carrés entiers dorment, inoccupés, parfois depuis plusieurs années.
C’est dans ce contexte que le législateur est intervenu en adoptant, le 16 juin 2025, une loi ambitieuse censée faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements. Ce texte s’inscrit dans un contexte de pénurie croissante de logements, notamment dans les grandes agglomérations, où la vacance de millions de mètres carrés de bureaux entre en contraste criant avec la difficulté d’accès au logement.
Alors que les réservations de logements neufs ont chuté de près de 40 % entre 2022 et 2024, cette loi se veut un levier pour réactiver une offre en berne, en mobilisant le patrimoine bâti existant plutôt que d’étendre encore l’urbanisation.
1. Les modifications de la loi du 16 juin 2025
– Un permis de construire multi-destinations enfin consacré
Parmi les apports majeurs de cette réforme figure la consécration du permis de construire multi- destinations, déjà expérimenté à l’occasion des travaux du village olympique. Ce mécanisme permet, dans une même demande de permis, de prévoir plusieurs destinations successives pour un bâtiment (par exemple : bureaux aujourd’hui, logements demain), sans qu’il soit nécessaire de déposer un nouveau permis à chaque changement de destination.
Concrètement, cela permet à un porteur de projet d’intégrer dans sa stratégie une possible reconversion à moyen ou long terme, ce qui sécurise et valorise les opérations immobilières dans un contexte économique incertain.
– Une dérogation au PLU pour autoriser des logements là où ils étaient interdits
L’autorité compétente en matière d’urbanisme peut désormais, sous certaines conditions, autoriser la transformation d’un bâtiment non destiné à l’habitation en logement, en dérogeant aux règles de destination prévues par le PLU, conformément au nouvel article L. 152-6-5 du Code de l’urbanisme.
Cette dérogation s’applique également aux travaux d’extension ou de surélévation inclus dans le projet et soumis à autorisation d’urbanisme.
Cette mesure est loin d’être anecdotique. Jusqu’à présent, de nombreux projets de transformation étaient bloqués car le PLU excluait simplement la destination « habitation » dans certaines zones tertiaires. Les porteurs de projets étaient alors contraints de solliciter une révision de PLU, souvent longue et politiquement sensible.
– Un usage obligatoire en résidence principale dans certains cas
La loi permet également aux PLU de définir des périmètres dans lesquels seuls des logements à usage exclusif de résidence principale pourront être autorisés à l’issue de la transformation des immeubles de bureaux (article 1er de la loi, modifiant l’article L. 151-14-1 du code de l’urbanisme). Ce dispositif repose sur une extension du champ d’application de la servitude dite de « résidence principale ».
Cette mesure vise à éviter les dérives de type meublés touristiques ou logements vacants à usage d’investissement locatif peu productif. C’est aussi un moyen pour les collectivités locales de s’assurer que les logements créés participent réellement à répondre aux besoins en résidence pérenne.
Il s’agit d’une réponse directe à certaines critiques sur les effets inflationnistes ou spéculatifs que ces transformations pouvaient générer dans certaines zones tendues.
2. Entre avancées et limites de la réforme
La loi du 16 juin 2025 pose un cadre juridique plus souple pour faciliter le recyclage urbain, mais sur le terrain, la mise en œuvre reste semée d’embûches.
En dépit des avancées (permis multi-destinations, dérogations au PLU, régulation de l’usage), le recyclage urbain demeure un exercice complexe et risqué.
À cela s’ajoute la conjoncture économique : entre 2022 et 2024, les réservations de logements neufs ont chuté de 40 %, un effondrement qui traduit la frilosité des acquéreurs, l’incertitude des investisseurs, et l’augmentation continue du coût des matériaux de construction. Dans ce contexte, même un projet de transformation jugé pertinent peut ne pas voir le jour, faute de modèle économique viable.
Ces nouvelles mesures restent, pour beaucoup, bien dérisoires face à l’ampleur de la tension sur le marché immobilier résidentiel. Le texte ne règle pas les questions du financement, ni ne propose de mécanismes d’incitation pour compenser les surcoûts techniques. Il ne prévoit pas non plus de simplification sur le plan environnemental, ni d’assouplissement des normes.
L’ambition initiale de « soulager la charge des porteurs de projet et accélérer la production de logements » paraît, à l’arrivée, quelque peu édulcorée. La réforme repose essentiellement sur une responsabilisation des collectivités, sans leur donner véritablement les moyens techniques ou financiers d’enclencher un mouvement d’ampleur.
En tant qu’avocate en droit immobilier, je constate régulièrement à quel point la volonté de recycler des bureaux est présente chez de nombreux promoteurs, investisseurs ou directions immobilières.
Mais elle se heurte encore à des verrous multiples : fiscaux, techniques, réglementaires ou financiers.
Le texte du 16 juin 2025 offre une base plus favorable. Cependant, pour qu’un réel mouvement s’engage, il faudra aller plus loin.